Les justiciables ont un droit constitutionnel pour exercer un recours effectif devant une juridiction [1]. Pour cela, les personnes les plus défavorisées peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’une aide destinée à faciliter leur accès à la justice. Cette aide s’intitule l’aide juridictionnelle.
Le mécanisme de l’aide juridictionnelle a fait l’objet d’une codification dans le code de justice administrative (CJA). L’article R. 441-1 de ce code dispose que les « les parties peuvent, le cas échéant, réclamer le bénéfice de l’aide juridictionnelle prévue par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique modifiée« .
L’aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l’instance.
[1] Article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
Selon l’article 10 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 précitée :
« L’aide juridictionnelle est accordée en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense devant toute juridiction ainsi qu’à l’occasion de la procédure d’audition du mineur prévue par l’article 388-1 du code civil et de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité prévue par les articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale.
Elle peut être accordée pour tout ou partie de l’instance ainsi qu’en vue de parvenir, avant l’introduction de l’instance, à une transaction ou à un accord conclu dans le cadre d’une procédure participative prévue par le code civil.
Elle peut également être accordée à l’occasion de l’exécution sur le territoire français, d’une décision de justice ou de tout autre titre exécutoire, y compris s’ils émanent d’un autre Etat membre de l’Union européenne à l’exception du Danemark ».
L’aide juridictionnelle peut donc être accordée :
- pour un procès ;
- pour un recours gracieux ;
- pour une transaction ;
- pour faire exécuter une décision de justice ;
- à un mineur auditionné par un juge ;
- pour une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;
- pour une procédure jugée dans un autre pays de l’Union européenne (sauf le Danemark).
L’attribution de l’aide juridictionnelle est soumise à certaines conditions d’admission
Les conditions d’admission
Le bénéfice de l’aide juridictionnelle est subordonné par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 précitée à des conditions tenant à la personne, aux ressources et à l’action contentieuse envisagée.
1) Toutes les personnes physiques de nationalité française ou appartenant à un État membre de l’Union européenne,
peuvent demander l’aide juridictionnelle.
Les personnes de nationalité étrangère résidant habituellement en France qui sont en situation régulière bénéficient également de l’aide juridictionnelle [1].
Par ailleurs, l’aide est refusée aux personnes bénéficiant d’un contrat d’assurance de protection juridique ou d’un autre système de protection [2].
2) Tout demandeur de l’aide juridictionnelle doit répondre à des conditions de ressources.
On entend comme ressources la plupart des revenus, à l’exception des prestations familiales et certaines prestations sociales, l’aide personnalisée au logement (APL), l’allocation de logement social (ALS) et le revenu de solidarité active (RSA), perçues par le demandeur et par toutes les personnes vivant habituellement à son foyer.
La loi détermine les plafonds en dessous desquels l’aide juridictionnelle peut être octroyée. Ils sont réévalués chaque année en tenant compte notamment des charges familiales.
L’aide juridictionnelle peut, à titre exceptionnel, être accordée à des demandeurs ne remplissant pas les conditions de ressources, lorsque leur « situation apparaît particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige ou des charges prévisibles du procès » [3] .
3) L’aide juridictionnelle est accordée en demande ou en défense devant toute juridiction.
Elle peut être accordée à l’occasion de l’exécution d’une décision de justice ou de tout autre titre exécutoire. Une demande préalable ou un recours administratif ne peuvent pas faire l’objet d’une aide juridictionnelle.
Et pour que l’aide juridictionnelle soit accordée, l’action envisagée ne doit pas apparaître comme « manifestement irrecevable » (tardiveté de la requête, défaut d’intérêt à agir) ou « dénuée de fondement » (aucun moyen de fait ou de droit), c’est-à-dire dépourvue de toute chance de succès [4]. Cette exigence que l’action n’apparaisse manifestement ni irrecevable, ni dénuée de fondement, n’est pas opposable au défendeur à l’action.
Une fois que l’aide juridictionnelle est accordée, celle-ci emporte des effets pour son bénéficiaire.
[1] Article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 précitée
[2] Article 2 alinéa 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 précitée
[3] Article 6 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 précitée
[4] CE, 12 mai 2004, Hakkar, n° 261826 et 262025
Les effets de l’aide juridictionnelle
L’aide juridictionnelle permet un soutien juridique et financier au demandeur (A) et prolonge les délais de recours contentieux (B).
Le soutien financier et juridique
- Le premier effet recherché est que les dépenses qui incomberaient au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle sont à la charge de l’État qui se substitue à ce dernier. Ces dépenses comprennent tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels l’aide juridictionnelle a été accordée. Le bénéficiaire est dispensé du paiement de l’avance ou de la consignation de ces frais.
- Le second effet permet au bénéficiaire d’être titulaire d’un droit à l’assistance d’un officier public ou ministériel (ex : huissier de justice) ou d’un avocat, même si le ministère d’avocat n’est pas obligatoire. Ces auxiliaires de justice peuvent être choisis par le bénéficiaire lui-même. À défaut de choix ou en cas de refus, un avocat ou un officier public ou ministériel est désigné par le président de l’organisme professionnel dont il dépend.
La prolongation des délais de recours contentieux
Les demandes d’aide juridictionnelle adressées, avant l’expiration du délai de recours contentieux, aux bureaux d’aide juridictionnelle ont pour effet de proroger le délai de saisine de la juridiction compétente, aussi bien devant les premiers juges que pour la première fois en appel.
Le nouveau délai de deux mois commencera à courir à compter, soit de la notification du rejet de la demande d’aide juridictionnelle, soit de la désignation de l’avocat dès lors que la décision est notifiée au requérant.
En outre, une demande d’aide juridictionnelle présentée en cours d’instance, avant la clôture de l’instruction, impose à la juridiction de différer le jugement de l’affaire et ce, même si cette dernière est déjà inscrite au rôle.